Emploi
5/12/2024
Rappelons-nous les récentes crises géopolitiques, économiques ou énergétiques. L’exemple des années 2022 et 2023 est suffisamment parlant. L’inflation a pris en Belgique des allures de fusée Ariane, et c’est tout le système qui s’est déglingué. Le coût de matières premières et le coût des loyers sont devenus impayables. Et l’indexation des coûts salariaux qui s’emballe a fini de de rendre la situation insoutenable pour les PME. Sur la période, la seule indexation a fait croître les coûts salariaux d’environ 20%.
Rien n’est plus faux ! Dans le secteur privé belge l’indexation des salaires trouve sa source dans des accords entre patrons et syndicats.
Et il s’agit bien d’une augmentation de coût salarial, laquelle est à la charge de l’employeur. Or faire reposer l’évolution du pouvoir d’achat des salariés exclusivement sur les épaules des employeurs n’a rien de naturel. Au contraire la Belgique et son système d’indexation des salaires font figure d’exception mondiale.
En 2022 et 2023, les organisations patronales ont tiré la sonnette d’alarme. Il faut des solutions. Il est impensable que l’on puisse laisser l’indexation des salaires déraper à ce point sans réagir. Plusieurs pistes ont été explorées par les organisations patronales. Nous évaluons ici les principales.
Dans son mémorandum, UCM demande une compensation automatique de l’indexation pour les PME. Cette compensation doit intervenir lorsque l’inflation dépasse 4%. Elle pourrait prendre la forme d’une dispense de versement du précompte professionnel. Pour ne pas peser trop lourdement sur les finances publiques, la compensation ferait en sorte que l’indexation ne soit « ressentie » par l’employeur, que sur le net.
Si le maintien du net du salarié est la responsabilité de l’employeur, la sauvegarde du pouvoir d’achat est une responsabilité collective. La position UCM concrétise ces idées.
Cette piste revient à appliquer l’indexation à tous les salariés qui en bénéficient, mais pas sur l’ensemble de leur salaire. À partir d’un certain montant, le salaire brut ne serait plus indexé. Prenons l’exemple d’un salaire mensuel de 4.000€ brut. Une indexation de 2% sur la totalité du salaire donne un salaire de 4.040€ brut. Une indexation de 2% plafonnée à 2.000€ donne un salaire de 4.020€brut.
Cette solution permettrait aux employeurs (pris globalement) de réaliser une économie dans la mesure où ils ne devraient pas assumer une hausse de coûts salariaux proportionnelle à tous les salaires dans leurs entreprises.
Cette piste peut toutefois générer un certain effet pervers dans la mesure où son effet n’est pas identique dans tous les secteurs et toutes les entreprises. En effet dans les secteurs et les entreprises qui sont contraints d’octroyer des salaires plutôt bas, l’indexation devrait être appliqué à plein. Alors que dans les secteurs et les entreprises qui octroie de hauts salaires, l’indexation pourrait être limitée. Par exemple une grande entreprise pourrait ne pas indexer tous ses salaires à 100%, alors que dans le même temps une petite entreprise serait soumise à une indexation complète. Cette piste aurait donc pour effet d’accorder un avantage concurrentiel à des entreprises et des secteurs qui en bénéficie déjà.
Cette solution est souvent évoquée tant elle semble d’une évidente pertinence. N’indexer que la part du salaire qui revient au salarié a l’avantage de coûter moins cher à l’employeur tout en jouant « à plein » pour le salarié.
Toutefois en explorant cette piste avec les experts du secrétariat social UCM, nous avons conclu que l’opération était extrêmement complexe du point de vue du calcul du salaire. Elle générerait donc un surcoût en matière de payroll. Ce qui la rend très discutable en termes d’efficience.
Malgré tous les problèmes qu’elle pose, l’indexation garde certains aspects positifs.
Une indexation a donc un certain intérêt pour les PME, si elle demeure mesurée. C’est la raison pour laquelle UCM plaide pour que le mécanisme soit rediscuté avec cet objectif en ligne de mire.
Mais ce n’est pas tout. Le principal défaut de l’indexation est peut-être la quasi-invisibilité dans laquelle elle est maintenue, notamment par les organisations syndicales. Il est donc important que les employeurs et leurs représentants communiquent plus et mieux sur l’indexation pour faire bonne mesure.
L’indexation n’est ni un phénomène purement technique, ni une distribution d’argent magique. Elle est un engagement, voire un sacrifice des employeurs. Elle a un coût qu’il faut maîtriser et dans certain cas, partager. Mais ce qu’on ne peut plus faire, c’est l’ignorer !
Matthieu Dewèvre
Pour ucmvoice.be